Notre publication ouvre avec grand plaisir ses colonnes à la jeunesse, tant occultée durant les premiers temps de la pandémie, et notamment à la jeunesse étudiante. 

Des membres du syndicat étudiant mulhousien « CSTE » (Communauté solidaire des territoires de l’Est), ont choisi de nous adresser une première tribune consacrée aux propos d’Emmanuel Macron, quant au sort promis aux universités françaises, dans la perspective de son éventuel second mandat présidentiel. 

Afin d’être élu pré­sident en 2017, Emma­nuel Macron nous a pro­mis vou­loir « bâtir une France qui répare les injus­tices de départ». Par­mi les inéga­li­tés de départ, il y a par exemple les moyens finan­ciers. Ces der­niers déter­minent, au Qué­bec, au Séné­gal, au Mexique et ailleurs, l’accès de mil­liers de jeunes à un bon sys­tème édu­ca­tif. Avant l’arrivée de Macron au pou­voir, cer­tains de ces jeunes, non-Fran­çais, non-Euro­péens, non-for­tu­nés, avaient l’espoir de venir étu­dier en France. 

En effet, l’Université à la fran­çaise se veut excel­lente puisqu’elle délivre des diplômes recon­nus sur le plan inter­na­tio­nal. Elle se veut éga­le­ment gra­tuite pour les bour­siers, et les frais d’inscription s’élèvent à 170€/an en Licence, et 243€/an pour une année de Mas­ter pour les non-bour­siers. Depuis que la macro­nie s’est ins­tal­lée, l’en­sei­gne­ment supé­rieur fran­çais dis­tingue entre les étu­diants Fran­çais et les étu­diants extra-euro­péens. Ces der­niers doivent, depuis 2019 avec le plan « Bien­ve­nue en France », débour­ser 2 770€/an en Licence et 3 770€/an en Master.

Modèle anglo-saxon

Un hori­zon néfaste pour les classes les plus popu­laires et les étu­diants étran­ger se pro­file, si l’actuel Pré­sident de la Répu­blique gagne les pro­chaines élec­tions, nous nous diri­geons tout droit vers un modèle à l’anglo-saxonne, modèle ou les étu­diants financent leurs études. Pour l’extrême majo­ri­té des étu­diants, l’accès à l’université ne sera pos­sible qu’à condi­tion de pou­voir contrac­ter un « prêt étudiant ».

Quelques chiffres pour illus­trer le modèle anglo-saxon : au Royaume-Uni, les frais d’une année uni­ver­si­taire s’es­timent entre 10 000 et 26 000 livres. Aux États-Unis, la simple ins­crip­tion coûte autour de 40 000 dol­lars. Autre­ment dit, les étu­diants de ces pays se voient dans l’obligation de contrac­ter des prêts pour avoir accès à l’enseignement supé­rieur, pire, cer­tains empruntent pour rem­bour­ser ce cré­dit étu­diant. De plus, nous ne par­lons ici que des frais d’inscription, déjà énormes, aux­quels il faut évi­dem­ment ajou­ter ceux du loge­ment et de l’alimentation, mais aus­si d’é­ven­tuelles acti­vi­tés annexes (Sports, musées, livres…).

Barrage social

La hausse des frais d’inscription pour les étu­diants fait lar­ge­ment pen­ser à une amé­ri­ca­ni­sa­tion de l’enseignement supé­rieur en France, une entrée dans un mode à l’anglo-saxonne, comme vu pré­cé­dem­ment. Si l’Université deve­nait payante cela indui­rait de nom­breuses consé­quences sys­té­miques notables directes, notam­ment un déclin du nombre de néo-uni­ver­si­taires. La pre­mière, étant un hori­zon ou les néo-bache­liers en pro­ve­nance de classes sociales modestes et popu­laires seront les pre­miers impac­tés par une dis­cri­mi­na­tion sys­té­miques dû à cette pré­ro­ga­tive pécuniaire. 

Ce qui est remis en cause, est ce sys­tème d’ascension sociale que la France prône tant, une pseu­do-méri­to­cra­tie, alors déjà qua­si- inexis­tante, encore plus fan­tas­ma­go­rique. Sur le long terme, au-delà de la tra­gé­die que repré­sente cette casse sociale, les emplois néces­si­tant des com­pé­tences spé­ci­fiques, com­pé­tences s’acquérant évi­dem­ment dans le Supérieur. 

Cepen­dant, un ave­nir ou des étu­diants seraient endet­tés est déjà pré­sent, le coût des études ne se résument pas à des frais d’inscriptions dans l’enseignement supé­rieur, il y a éga­le­ment le coût du loge­ment, les frais ali­men­taires, de trans­port, les livres, et tant d’autres choses inte­nables pour les étudiants. 

« Pour les plus chan­ceux, les éche­lons 7 touchent près de 550€, soit deux fois moins que le seuil de pauvreté »

Le Pré­sident s’est expri­mé sur l’état de la situa­tion étu­diante, dénon­çant une pré­ca­ri­té impor­tante avec seule­ment un tiers qui béné­fi­cie de la bourse. Lorsqu’un étu­diant à la chance d’être bour­sier, il a une grande chance d’être au plus bas de l’échelon, avec une bourse à hau­teur d’une cen­taine d’eu­ros par mois seule­ment. Pour les plus chan­ceux, les éche­lons 7 touchent près de 550€, soit deux fois moins que le seuil de pauvreté. 

Emma­nuel Macron a pro­mis au long de son quin­quen­nat une réforme de la bourse, réforme qui n’est jamais arri­vée, à la place, des pro­pos concer­nant une hausse des frais d’inscription à l’université. Les facs se pré­ca­risent, et la solu­tion pour un ban­quier est sa pri­va­ti­sa­tion, l’apport de capi­tal pro­ve­nant hors du bud­get de l’État, c’est ça la pri­va­ti­sa­tion des universités.

Financements privés

Qui dit finan­ce­ment des uni­ver­si­tés par les étu­diants, dit donc auto­no­mi­sa­tion du finan­ce­ment des uni­ver­si­tés, et cela s’inscrit dans la lignée de la loi de pro­gram­ma­tion de la recherche qui a été pro­mul­guée le 24 décembre 2020. L’un des objec­tifs est d’autonomiser finan­ciè­re­ment les uni­ver­si­tés et d’augmenter pro­gres­si­ve­ment les bud­gets dédiés à la recherche par le biais de finan­ceurs privés. 

Des CDI de mis­sion ont alors été créés, qui s’apparentent à des CDD et pré­ca­ri­sant direc­te­ment les uni­ver­si­taires qui devront redou­bler de pro­duc­ti­vi­té afin d’être titu­la­ri­sés. La course aux articles publiés se conjugue avec un salaire qui ne sera pas reva­lo­ri­sé, voir se dégra­der étant don­né la charge de tra­vail qui sera demandée. 

Une fois de plus, la ques­tion du finan­ce­ment des sciences sociales se pose direc­te­ment : quel inté­rêt auront les action­naires à inves­tir dans ces sciences, peu lucra­tives com­pa­ré aux sciences dures. Com­pre­nons ici que les sciences sociales pro­duisent des cri­tiques de l’État, que la LPPR (loi de pro­gram­ma­tion de la recherche) a ten­té d’étouffer avec l’amendement sur la liber­té aca­dé­mique qui devait se sou­mettre aux valeurs de la République.

« l’objectif de ces dif­fé­rentes mesures s’apparente à encas­trer l’enseignement dans une éco­no­mie de marché »

Concrè­te­ment, l’objectif de ces dif­fé­rentes mesures s’apparente à encas­trer l’enseignement dans une éco­no­mie de mar­ché, avec des objec­tifs de com­pé­ti­ti­vi­té et de ren­ta­bi­li­té, cela peut se démon­trer avec les classes pré­pa­ra­toires qui sont beau­coup plus finan­cées que les uni­ver­si­tés publiques. 

Si l’on ana­lyse les termes du Pré­sident, ils jugent « inte­nable la gra­tui­té des uni­ver­si­tés », c’est dans ce sec­teur que les popu­la­tions d’origines popu­laires sont le plus pré­sentes dans l’enseignement supé­rieur, alors que les classes pré­pa­ra­toires sont sur­tout com­po­sées d’étudiants qui viennent de classe aisée. Il est alors dif­fi­cile de ne pas pen­ser que les pro­pos d’Emmanuel Macron sont dans une logique de casse sociale.

Ain­si, la hausse des frais d’inscriptions pro­voque natu­rel­le­ment une plus grande sélec­tion. La mise en place de Par­cour­Sup en 2018 a pro­vo­qué un droit de regard des uni­ver­si­tés sur les per­sonnes qui can­di­datent dans l’enseignement supé­rieur, et ce, au détri­ment des classes popu­laires et des per­sonnes pro­ve­nant d’un envi­ron­ne­ment modeste (quar­tiers popu­laires entre autres), ce fut une des pre­mières étapes de la sélec­tion à l’université.

L’une des rai­sons pour laquelle les étu­diants se sont mobi­li­sés le 27 jan­vier 2021, outre l’énorme pré­ca­ri­sa­tion et le ras-le-bol de voir la queue s’agrandir lors de dis­tri­bu­tion ali­men­taire pour les étu­diants, est la mise en place d’un nou­veau Par­cour­Sup, mais pour le Mas­ter, dans un contexte où depuis le début de l’année uni­ver­si­taire 2021–2022, de nom­breux étu­diants sans Mas­ter se sont mobi­li­sés et ont occu­pé les uni­ver­si­tés. Les étu­diants veulent seule­ment étu­dier, et non s’endetter !

Ben­ziane MANSOURI, Juliette HEESSE, Vic­tor HENON-HILAIRE

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